Libre - De retour au chateau

Lorsque Riordan avait appris que Kathelyn allait être professeur à Poudlard, il avait senti une vague de bonheur terrible le traverser, terrassant ses idées noires d'un revers de main. Celles-ci avaient certes commencé à s'estomper, depuis le temps qu'il était présent en Grande-Bretagne, mais sa tante représentait à elle seule des attaches qui s'étaient montrées essentielles à son intégration et à son bien-être profond.
Elle faisait partie des rares à tout savoir de lui, et s'était montrée incroyablement maternelle depuis la mort de sa génitrice, plus compréhensive et attentive que ne l'avait été Dorian Langdon. Pas que Rio en voulait à son père - après tout, ce dernier ne savait juste pas comment s'y prendre, mais ce n'était pas faute d'essayer - mais Kathelyn avait su le rassurer là où plus rien n'avait de sens, où plus rien n'avait d'importance.
Qu'elle soit présente avec lui pour cette nouvelle rentrée donnait au jeune homme des perspectives nouvelles, et avec elles une volonté honnête de sortir de sa carapace misanthrope (sinon carrément méprisante, mais c'était une autre histoire).

Il avait patienté le voyage, sagement, en sachant que la nouvelle professeur de Divination se trouvait déjà sur place. Rio n'était pas du genre à être expansif, aussi gardait-il son excitation au fin fond de sa réserve, mais il savait déjà quelle serait sa destination une fois sorti du train. Il savait aussi que personne ne lui en voudrait de rater le dîner ou la répartition des nouveaux élèves, mais si Kath insistait pour qu'ils y soient, il ne chercherait pas à débattre. Tant qu'il pouvait passer un peu de temps avec elle au préalable, il pourrait s'y présenter avec un peu plus de sérénité.
Se dérobant à ses camarades à peine les grandes portes passées, Riordan s'engouffra dans les escaliers pour les grimper tranquillement jusque la tour d'Astronomie. Il n'était pas pressé, et les marches ne tentèrent pas de lui jouer des tours.
Il avait vite appris à s'allier avec elles, d'une certaine façon. Aussi magiques étaient-elles, elles semblaient avoir une conscience des choses que Rio n'arrivait pas à comprendre. Ce qu'il avait vite cerné, en revanche, c'est qu'il lui suffisait de laisser les escaliers n'en faire qu'à leurs têtes sans râler pour qu'elles le mènent toujours à destination lorsqu'il était pressé.

D'une main assurée, il vint frapper à la porte des nouveaux appartements de sa tante, l'entrouvrant sans attendre une réponse pour s'y glisser de moitié, balayant d'un regard curieux la pièce en cherchant la silhouette de Kathelyn.
Les gens allaient sans doute s'étonner de leur lien familial, et il y avait de quoi : son physique asiatique tranchait considérablement avec le faciès purement occidental du professeur, mais que cette différence accessoire ne trompe personne. Ils se vouaient une affection sans borne et l'amour qu'ils se portaient n'avait jamais souffert de la distance, aussi mondiale fut-elle.
« Kathelyn ? Je ne te dérange pas ? Je me disais qu'on pouvait patienter le buffet ensemble. » lança-t-il à la cantonade, et il y avait la question sous-entendue, un peu puérile, celle qui voulait l'inviter à passer du temps ensemble en oubliant le reste du Monde, peu importait les remontrances, mais il lui sourit sans rien rajouter, sincèrement heureux de la revoir. « Et je voulais te féliciter en personne également, pour ton nouveau poste. Je peux rentrer ? »

Kathelyn s’était longuement baladé dans le parc du château, appréciant la douceur des températures de cette fin d’été. Les feuilles, vertes, commençaient à vêtir leurs habits d’automne, un peu doré et orangés par endroit. Un océan de verdure s’étendait au loin jusqu’au lac et la demoiselle ne put resister à s’en approcher pour saluer le Calmar géant ainsi que les sirènes. Son sourire était immense, elle ne voulait plus penser à ce qui la rongeait depuis toutes ces années. S’allongeant un moment dans l’herbe émeraude, elle vida son esprit en fermant ses magnifiques yeux.
Environ une heure plus tard, elle s’eveilla et fut, le temps de quelques instants, un peu désorientée. Une petite truffe humide était posée contre sa joue et un doux ronron. Isis était venue la retrouver et profita de ce calin impromptu pour lui lecher la joue, chose qu’elle n’a en général pas le droit de faire. Se relevant et attrapant sa petite chatte, Kathelyn reprit le chemin de la grande porte. Elle savait que, en temps qu’enseignante, elle devait etre présente à la répartition, ce qu’elle fit. Mais dès lors que sa présence n’était plus obligatoire, elle s'éclipsa pour rejoindre ses appartements, ou plutôt sa salle de classe. La malle avec ses objets y était arrivé et elle voulait faire un peu de rangement avant de rejoindre son petit lit douillet. Isis  en profita pour aller flairer, oubliant quelques instants son estomac. Quelques trop courts instants ! Moins d’une minutes plus tard, la chatonne se recollait à sa maitresse pour réclamer ce qu’elle semblait avoir oublié. Cedant à son animal, l’enseignante rejoignit ses appartements mais s’arrêta net en voyant que la porte était ouverte. Sortant sa baguette et respirant un grand coup elle pénétra  chez elle et lança un stupefix à la ronde. Le sort toucha un etre vivant et la jeune femme prit tout son temps pour récupérer l’impudent qui avait osé pénétrer chez elle. Cependant, elle devint livide en reconnaissant Riordan, son neveu et  fils de son frère. Enfin frère…. Si tant qu’elle puisse l’évoquer en utilisant ce mot ! Elle s’accroupit auprès de son neveu et le hissa un peu sur elle avant de murmurer le contre sort. Elle s’exclama ensuite, dépitée :  


 

ESPECE D’IMBECILE ! Franchement, Rio, t’aurais pas pu trouver un autre truc pour me voir que de rentrer direct chez moi ? J’ai eu une peur bleue ! 

Il avait attendu quelques instants après s'être annoncé, avait froncé les sourcils lorsque seul le silence lui avait répondu. La décence voulait qu'il n'insiste pas, mais Kathelyn n'était pas n'importe qui et malgré toute sa rigueur sociale, Riordan savait qu'il pouvait se permettre de rentrer malgré tout. Lentement, avec le sempiternel respect qu'il avait pour tout et toute chose, il poussa un peu plus la porte pour pénétrer dans les appartements de sa tête. Malgré la présence des bagages, il réalisa que les lieux étaient vides ; sans doute était-elle sortie, ou était-elle encore présente dans la Grande Salle, réalisa-t-il, un peu amer. Il aurait aimé avoir cet instant privilégié seul à seul avec elle avant que l'année ne commence réellement, mais quitte à avoir fait tout le chemin pour la voir, il se décida à patienter son retour pour échanger des banalités avec elle et lui souhaiter la bonne nuit.
Laissant la porte ouverte derrière lui pour lui faire comprendre que quelqu'un était présent et ne pas lui faire peur, il s'avança un peu plus dans la pièce pour aller s'asseoir sur l'accoudoir d'un fauteuil, attrapant un livre dans la bibliothèque murale au passage.

Évidemment, ce fut une terrible erreur. Il n'en attendait pas moins d'elle, évidemment ; il la préférait attentive et sur ses gardes, car Dieu seul savait à quel point Kathelyn était jolie et que Riordan avait grandi dans le pays où les pervers sexuels étaient assez courants pour être mondialement connus. Toujours est-il que le sortilège le prit de court et qu'il sentit ses membres se crisper soudainement - douloureusement - avant de s'effondrer au sol sans rien ne pouvoir y faire, accompagnant sa chute d'un bruit sourd tandis que ses yeux ouverts reflétaient l'incompréhension. Incompréhension qui ne dura que quelques instants ; Kathelyn ne pouvait être que la seule personne derrière ce sortilège et s'il accepta son sort avec une résignation teintée de fierté (il avait toujours eu un côté papa poule envers sa tante) il espéra néanmoins qu'elle vienne rapidement le récupérer.
Elle prit son temps pour ce faire mais lorsque le contre sort vint le libérer il s'empressa de ciller pour hydrater ses yeux tout en faisant craquer ses doigts par réflexe. Le stupéfix était un sort pervers et il s'était toujours demandé quels terribles contreparties il pouvait entraîner si on le laissait actif un peu trop longtemps - mais c'était une réflexion pour une autre fois.

« Excuse-moi. J'avais laissé la porte ouverte pour.. mais c'est ma faute, désolé. » souffla-t-il en restant contre elle pour mieux venir l'enserrer, lui volant un câlin démonstratif de toute l'affection qu'il pouvait lui porter. « Je repasserais, la prochaine fois. » lui promit-il en lui offrant un sourire, se détachant ensuite d'elle pour mieux ramasser le livre qui était tombé au sol simultanément à lui, le reposant sur le meuble le plus proche. « Tu étais encore à la Grande Salle ? Je voulais juste passer te voir avant le début officiel des cours. »
Et tout, dans son comportement jusqu'à sa voix teintée de tendresse coupable, criait à l'approbation. Il ne désirait rien de moins que Kathelyn soit fière de lui, comme une seconde mère qui prenait beaucoup trop de place pour qu'il se passe de son avis. Qu'il soit négatif comme positif, au demeurant. Elle était une des rares personnes à savoir bouleverser son calme intérieur - et il en était parfaitement ravi, au demeurant, car elle possédait une valeur bien supérieure à sa fierté personnelle.

La jeune femme continua de bercer un moment son neveu. C’était son petit chouchou depuis toujours et elle avait plutôt mal supporté qu’il vive de l’autre coté de l’océan Atlantique. Bien que sa belle-sœur, devenue plus une sœur au fil du temps, le laissât le voir quand elle voulait (et aussi le gâter, inutile de nier), l’étendue d’eau qui les séparait restait conséquente. Puis (nom de la mère) était partie, et Dorian avait souhaité couper définitivement les ponts avec sa sœur, puis le reste de sa famille. Et pendant un temps, neveu et tante ne s’étaient plus vu, car Dorian avait l’agaçante habitude de tout savoir… Comme s’il voulait essayer de contrer les effets de la maladie alors que son fils n’était qu’ado.
Si Kate avait cette affection particulière pour Rio, c’est qu’il était né à la même période que Amélia, la fille naturelle de Kathelyn que cette dernière avait dû abandonner à la naissance.  Leurs 3 mois de différence avait également joué, la blonde transférant cet amour maternel inutilisé sur ce nourrisson qu’avait produit cet imbécile de Do’. Oui, elle aimait son frère, c’était évident ! Mais si ce dernier avait su, jamais il ne lui aurait laissé, oh non, jamais. Mais dieu merci, Dorian n’avait pas ses capacités de divination et elle était bon occlumen avec lui. C’était bien pratique d’ailleurs, surtout au vu de son attitude !
Caressant  toujours le visage de son neveu,  elle prit un temps pour recouvrer ses esprits avant de lui répondre.
 
Tu sais comment je suis. Quand j’ai vu que la porte était ouverte, j’ai eu peur. Il y a des choses qui se préparent et tu sais plus que quiconque à quel point je suis méfiante. La prochaine fois, envoie moi un hibou ou, comme tu le faisais quand tu étais petit, un avion en papier messager ! Ca m’évitera la crise cardiaque de ce soir ! Et puis tu sais, je ne suis restée que pour la présentation du corps professoral. Je n’avais moi non plus pas envie de rester dans la grande salle ce soir !