Un presque rendez-vous ♠ Gredisa

La jeune femme sourit à l'homme qui lui fait face, le renseignant, l'aidant à remplir son panier avant de lui indiquer la caisse, derrière laquelle George est installé. C'est une journée normale pour les deux sorciers, après les cours. Il est dix-huit heures et ils viennent tout juste de prendre leur service, en binôme. La rouquine aime bien travailler avec lui d'autant plus que cela leur arrive souvent. Elle aimerait bien qu'ils fassent le trajet ensemble mais... elle ne sait pas pourquoi, ils ne se croisent jamais. Comme si le sorcier s'amusait à la fuir. Et le soir, ils ne finissent pas forcément en même temps. Alors ils ont regagné Poudlard ensemble quelques fois certes... mais assez peu, en fin de compte.

Le boulot se passe sans encombres, comme la plupart du temps et pourtant, Lisa a la tête un peu ailleurs comme elle repense à sa discussion d'il y a quelques jours, avec Seth Grewal. Il avait conseillé de passer plus de temps avec le rouquin et Lisa, si elle avait d'abord protesté en disant qu'ils se voyaient déjà beaucoup, a finalement reconsidéré la question en se disant que passer du temps au cours d'un vrai rendez-vous permettrait peut-être de se découvrir un peu plus. Et puis ils sortiraient du cadre purement professionnel.

Les joues un peu rouges alors que c'est l'heure de ranger le magasin, nettoyer le sol et fermer, la rousse jette quelques regards à son collègue sans savoir comment elle doit s'y prendre. Elle termine de ranger le rayon des potions quand, enfin, elle se décide à l'appeler. Merlin, elle pourrait frissonner seulement en prononçant son nom.

"- George ? Dis euh... je me demandais si... en fait ça t'intéresserai de... peut-être... On pourrait ne pas rentrer de suite et aller... manger un morceau euh... ou promener... dans Londres ? Tu sais comme on en parlait l'autre jour..."

En attendant la réponse de George, la sorcière a l’impression que des années s’écoule. Mon dieu que le temps semble donc long quand on redoute une réponse négative, que l’on appréhende ce qui va se passer ensuite. La jolie serdaigle ne sait pas que George se bat ces derniers temps contre l’idée d’aimer la même fille que son frère, comme elle ne sait pas qu’il l’a croit avoir été avec Fred. Lisa ne sait pas que sa question met le sorcier mal à l’aise et que s’il hésite autant ce n’est pas parce qu’elle ne l’intéresse pas mais parce qu’elle l’intéresse trop, justement. Et son cœur bat la chamade sous l’effet de la peur. Qu’il parle, vite, que la sorcière soit débarrassé des questions qui la taraudent.

Il accepte. Un sourire se dessine sur le visage délicat de la rousse qui frissonne en sentant le bras du sorcier venir autour de ses épaules. Il l’appelle Turlupin comme d’habitude mais qu’importe, cela ne la dérange plus. Ce ne serait pas vraiment George sans ce surnom ridicule. Et puis elle est trop heureuse qu’il accepte sa proposition pour se soucier de quoi que ce soit d’autre. Lisa est plutôt d’accord pour honeydukes, évidemment. Bon, elle aurait préféré un repas en tête à tête, peut-être pas dans un restaurant, un fast-food moldu aurait fait l’affaire. Mais le simple fait de passer du temps avec George Weasley lui convient, la rousse est ravie. Elle marche de concert avec lui comme il la tient toujours au niveau des épaules et quand ils sont sortis elle verrouille la porte d’un coup de baguette.

Arrivée à Honeydukes, la sorcière commence à choisir quelques confiseries, beaucoup aux goûts sucrés comme la barbe-à-papa, elle-même dégageant toujours de sa peau une odeur sucrée qui n’est pas sans rappeler la senteur de la guimauve. Elle prend aussi des bonbons à la banane, laquelle lui rappelle l'homme qu'elle aime à cause du côté drôle et farceur d'une peau laissée par terre. Puis elle trouve une table pour s'installer avec George.

"-Alors... qu'est-ce que tu as pris toi ?" demande la rousse.

Lisa s'installe et prend le bonbon tendu par George sans ce méfier, puisqu'elle a effectivement vu ces emballages en faisant du tri dans ce qu'elle voulait prendre. Fièrement, elle montre les bonbons à la banane qu'elle avait prit en comptant les partager avec lui, sans se douter de la bourde monumentale qu'elle s'apprête à faire, ignorant tout à fait que le sorcier et son frère raffolaient eux aussi de ces bonbons. La sorcière en prend un et croque dedans, libérant l'arome fruité et gourmand du fruit jaune préféré des enfants et elle sourit à George comme ce dernier la regarde.

"- J'ai quelque chose sur le nez ?" demande Lisa amusée avant de le frotter pour retirer une éventuelle tâche.

La rousse sourit encore à son interlocuteur quand elle retire l'emballage du bonbon que ce dernier lui a tendu et sans prendre garde, la jolie bleu et bronze le glisse entre ses lèvres, croque dedans, et a soudainement l'envie de vomir. Elle sort de la boutique en se tenant la gorge et se retrouve dans une rue, où elle recrache le bonbon avant de partir à la recherche d'eau les larmes aux yeux sous la force du piquant. La jeune femme remarque, en même temps, des plaques rouges prenant place sur ses bras et elle a toujours l'impression d'avoir la langue en feu. C'était quoi que ce truc qu'il lui avait donné ? La sorcière entre aux trois balais pour prendre une verre de lait de chèvre pour apaiser la douleur. Ce n'est que de longues minutes plus tard que la jeune femme rejoint George, la langue légèrement apaisée, elle le dévisage avant de tirer la langue.

"- Tu m'as anesthésié pour trois jours, heureusement que je n'ai personne dans ma vie car je ne suis même pas sûre de pouvoir embrasser !" rouspète la sorcière avant de faire confiance à une innocente plume au sucre qui lui semble bien douce après tout ça.

Lisa le regarde avant de sourire comme le sorcier lui propose, ni plus ni moins, un bisous magique. Mais il rit sûrement, il n’est pas sérieux dans sa proposition, ce que la jolie rouquine regrette bien évidemment. Si seulement il pouvait avoir, ne serait-ce que quelques instants, de sérieux en disant cela. Parce qu’anesthésiée de la bouche ou non, la rousse ne dirait pas non. Poussant un discret soupir elle détourne la tête et mange alors la plume en sucre qu’elle a prit et qui adoucie le goût piquant sur sa langue.

«- Non mais un bébé câlin ? Je peut ?»

Oups, elle n’a pas vraiment dit ça n’est-ce pas ? Oh, vu le sourire qu’il fait, l’air qu’il arbore, si la rouquine l’a dit. Zut de zut, elle se mord la lèvre inférieure en se traitant d’idiote. Et une aiglonne qui passe pour une conne, une ! Lisa soupire, ça lui apprendra à réfléchir avant de parler. Elle semble d’un coup gênée et noie ses propos dans un jus de myrtille «à la patacitrouille», curieuse invention trop sucrée, qui l’écœure rapidement.

«- Euh oui… oui, avec plaisir... » répond Lisa comme il propose de lui montrer ses inventions, comme ça il ne pensera plus à ce qu’elle a dit.

La rousse soupire un peu, encore une fois, très discrètement. Bon sang… Ce n’est pas possible d’être à ce point coincée. Cela ne devrait pas être difficile de parler à George, il n’est pas méchant en plus… Mais la peur que ce ne soit pas réciproque lui étreint le cœur. Fred et George avaient toujours été « ensemble », toujours fourrés l’un avec l’autre sans laisser de place pour des filles dans leurs vies, Angelina en avait fait l’expérience amère. Maintenant que Fred est mort, Lisa ne sait pas trop sur quel pied danser. George n’est plus le même et… elle ne sait pas si elle a ce qu’il faut pour l’aider. Alors elle ne parle pas, bêtement. C'est lui le gryffondor, pas elle. Et elle est loin de se douter de ce que pense George à son sujet.

Lisa n’ose pas croire qu’elle a osé demander un câlin à George Weasley. Et maintenant, il va la prendre pour quoi ? Elle pousse un soupir, en se disant que c’est compliqué de gérer des trucs pareils, de gérer les problèmes de cœur. Est-ce qu’elle ne pourrait pas tout simplement lui dire qu’elle en pince pour lui ? Correction, qu’elle est raide dingue de lui ? Non, elle ne peut pas évidemment parce que c’est prendre le risque que les choses changent entre eux et pas forcément dans le bon sens malheureusement pour la belle. Hors cette dernière tient à garder de bonnes relations avec le sorcier, une belle entente, au moins une belle amitié. Alors elle se fusille mentalement pour avoir osé demander un truc pareil. Voilà, il va la prendre pour une folle et… Enfin, le soucis, l’inconnu de l’équation, c’est qu’on ne sait jamais ce qui se passe sous le crâne roux d’un Weasley.

Lisa est surprise de le voir venir vers elle et la prendre entre ses bras pour un câlin comme elle l’a demandé et même si la demande la dérange, la sorcière ne compte pas repousser George alors qu’il lui donne exactement ce dont elle a envie en cet instant précis. Et le cœur de la rousse bat alors plus vite, curieusement, incroyablement plus vite en vérité, d’autant plus que le rouquin dépose un baiser sur sa tête. Sauf que d’un coup, elle se souvient aussi que c’est le genre de geste que l’on a envers une petite sœur et la panique la gagne, d’un coup. Est-ce que George, dont elle est amoureuse, la verrait seulement comme une frangine, comme Ginny Weasley ? La sorcière espère bien que non mais ne peut en être certaine.

Le câlin achevé, Lisa regrette un peu de ne plus sentir le sorcier près d’elle, de ne plus être entre ses bras, mais elle sait bien que c’est ainsi que les choses doivent être. Elle n’est pas sa petite amie après tout, il n’a aucune raison de la garder contre lui plus longtemps. C’était un câlin purement amical, rien de plus, voilà ce qu’il doit penser de son côté. Voilà ce qu’elle doit s’efforcer de penser aussi, pour ne pas avoir trop d’espoir. Car l’espoir rend la chute plus dure à supporter.

Lisa le laisse lui étaler sa crème sur les mains et même si elle se doute qu’il va y avoir des répercussions, vu le farceur qui est avec elle, la rousse lui fait plaisir en jouant le jeu et mime un air mécontent quand elle voit ses mains liées l’une avec l’autre. Comme il lui indique la direction des sanitaires, Lisa s’éclipse et revient un moment après en souriant, les mains décollées. Elle se réinstalle aux côtés de George et mange quelques bonbons avant de le dévisager.

«- Mhhh George ? Ferme les yeux...» souffle Lisa. «Maintenant, je vais t’embrasser…» prévient la rousse. Mais ce n’est pas un baiser que Lisa offre à George, c’est une dragée de Bertie Crochue, une dragée saveur poubelle et elle rit devant l’étrange mine qu’il affiche alors, à moitié amusé et à moitié dégoutté. Comme s’il n’avait pas vu le coup venir.

La jeune femme le regarde sans comprendre alors que le sorcier se lève d’un coup pour sortir de la bâtisse. Elle reste là, choquée, à regarder par la porte qu’il vient de franchir. Elle n’aurait jamais pensé que le plus grand des blagueurs pourrait ne pas accepter les blagues réalisées contre lui. Mais du coup la jeune aiglonne s’en veux, s’en veux beaucoup. Son cœur bat la chamade, pourquoi faut-il que les choses merdent tout le temps ? La rousse est désolée, tellement désolée…  Elle ne s’attendait pas à ce que les choses tournent aussi mal. Ce n’est pas ce qu’elle voulait, elle voulait juste plaisanter comme ils le font toujours, ce n’est pas un drame, ce n’est pas… Elle a un petit soupir. Elle est idiote, tellement idiote, même si elle ne comprend pas ce qui est passé par la tête du sorcier pour qu’il prenne la mouche comme ça, ce n’est pas dans ses habitudes.

Une soirée fichue en l’air. Lisa ramasse les dernières confiseries qui restent sur la table et s’en va après les avoir fourrés dans son sac. Elle rentre alors en direction du château, pensive, l’esprit ailleurs. Un instant, elle songe à rattraper George et lui dire qu’elle est désolée. Mais elle n’ose finalement pas. De toute façon, ils ont peut-être bien besoin de rester seuls avec leurs pensées, seuls avec leurs regrets, seuls à se reprocher de ne pas oser faire le premier pas.

Arrivant dans la salle commune des aigles, la sorcière monte directement se coucher, ou plutôt se cacher sous les couvertures pour continuer de se reprocher ce qui vient de se produire entre elle et George et, surtout, ne voir personne. Elle a besoin d’être seule, de ruminer ses idées noires. Lisa toujours si joyeux d’ordinaire s’en veux d’avoir potentiellement vexé celui qu’elle aime et se demande ce qu’elle deviendra, s’il ne lui pardonne jamais ? L’idée lui est absolument insupportable. Non, elle refuse, elle refuse de penser de la sorte, elle refuse de croire que tout peut se finir de cette façon là entre le sorcier et elle-même. Pourquoi la vie est toujours si difficile ? Pourquoi les choses ne vont jamais comme nous voudrions qu’elles aillent ?

Dans son lit cette nuit-là, Lisa se tourne et se retourne, cherche le sommeil, fixe le baldaquin bleu au-dessus de sa tête comme si ce dernier pouvait lui apporter des réponses à ses questions. Elle met un moment pour s’endormir et se lève finalement pour prendre une boite de bons chocolat achetés à Honeydukes puis elle écrit un mot pour George et lui envoie sa chouette, au beau milieu de la nuit. Quelques mots, pour demander pardon, pour dire qu’elle est désolé. Qu’elle ne veut pas que les choses changent entre eux, qu’elle a juste voulu s’amuser, faire une farce comme ils en font toujours. Pour dire qu’elle ne comprend pas sa réaction, aussi. Quelques mots pour dire tant de choses, pour tourner la page et en offrir une blanche pour y inscrire des jours meilleurs.