Et moi l'étrange paumée, Fiancée à l'enténèbrement... ♣ Hermione

Quatre jours qu'ils étaient là. Quatre jours qu'elle se posait des questions. On en avait pas l'impression peut-être, mais ces questions étaient là, sournoises sous la surface et tiraillaient le cœur de la demoiselle. Certes, en apparence rien n'avait changé c'est vrai. Elle discutait avec tout le monde, distribuait des sourires, faisait craquer Severus Rogue en cours de potions... Rogue, parlons-en justement. C'est bien lui, le fond du problème. A côtoyer celui de 1977 et son sale caractère, même si elle cherche à se confronter à lui dans la mesure où il lui rappelle son directeur, Bee ne peut s'empêcher de penser à celui qui lui a sauvé la vie, quatre jours plus tôt et dont elle n'a aucune nouvelles.

Du haut de la tour d'astronomie ce soir là, un croissant de lune au-dessus de sa tête, la rouquine promène son regard sur la surface lisse du lac noir au loin, comme si ce dernier pouvait lui apporter quelques réponses. Et puis elle s'assoit sur le rebord de la fenêtre, l'esprit perdu dans ses pensées. Le temps défile ainsi, sans qu'elle n'en ai conscience, alors qu'elle se questionne encore et encore, inlassablement. Ce n'est pas comme si elle pouvait s'apporter les réponses. Pourtant, elle reste là à s'interroger.

Un bruit de pas la fait pourtant sursauter tout à coup et la jeune femme se relève prestement, portant la main à sa baguette qu'elle dégaine pour lancer un lumos. C'est le visage d'Hermione que le sort illumine et Bee la regarde un instant avant d'éteindre. Sa visiteuse lui a fait peur. Se promenait-elle aussi en cherchant des réponses ? Ou venait-elle la voir ? Lullaby songe tout à coup qu'Hermione avait un drôle d'air. L'air de quelqu'un qui a à parler. Mais elle se fait probablement des idées à ce sujet.

"- Bonsoir Hermione. Belle soirée n'est-ce pas ?" lance la rousse pour briser le silence.

Pas de temps à eux, c'est le moins que l'on puisse dire. La veille de la bataille, Bee n'a que peu dormit, frustrée par le comportement du directeur de Poudlard. Le lendemain avait été un réveil brutal, une mise à rude épreuve pour les nerfs de tous. Le soir venu, il n'était pas possible de fermer l’œil. Lullaby avait toujours l'impression de devoir se méfier d'un sort, d'une ombre. C'était à peine si son propre reflet ne lui faisait pas peur. Les soirs qui avaient suivis n'étaient pas plus reposant. Bee revoyait les corps tomber, morts sur le sol. Elle revoyait Dolohov face à Remus, l'éclat de lumière verte... elle s'entendait crier, se voyait poursuivre le mangemort. Chaque nuit, elle revivait cette scène. Elle sentait en son corps le souvenir douloureux du Doloris et la crainte d'une mort certaine. Et puis elle voyait Rogue disparaître.

Reportant son regard sur la lune, Bee prend place au sol cette fois, alors qu'Hermione est venu à ses côtés. Dans un premier temps, les deux femmes ne parlent pas. Peut-être que la Serpentard, comme la Serdaigle, est poursuivie de cauchemars ? Ils doivent tous en être victimes à vrai dire. Aux cauchemars s'ajoutent les inquiétudes. Au sujet de ceux qui ne sont pas là. Ou qui le sont, mais pas comme on les as connu... Lullaby, bien sûr, pense à Rogue en regardant la lune. A l'occasion de leurs cours, elle se sentait douée dans ce qu'elle faisait, destinée aux potions. Et puis il l'avait faite se sentir plus bas que terre en disant vouloir ne plus donner de cours. Aujourd'hui confronté au Severus de dix-sept ans, Bee ne peut pas dire que les choses vont mieux, puisque ce dernier la déteste. Il la hait même, elle le ressent bien à chaque fois qu'elle le croise. Au point que parfois, les regards noirs qu'ils lui jettent la renvoient à cette après-midi là, quand ils se sont prit le bec, quand elle s'est énervé, lui a dit ses quatre vérités... Et si elle n'en montre rien, ça fait quand même mal. Du haut de ses trente-huit ou de ses dix-sept ans, qu'importe au fond, c'est toujours Rogue et la rousse l'aime quand-même.

Alors qu'encore une fois l'image de Rogue s'éloignant s'impose à son esprit, Bee remarque qu'une larme roule sur sa joue. Larme qu'elle s'empresse d'effacer, d'un revers de la manche ni vu ni connu, en espérant bien sûr qu'Hermione n'ai rien vu.

Comme elle entend son amie parler de son rapprochement avec le professeur Rogue, Bee se crispe. Allons donc. D'abord Eva le vampire qui dit l'avoir surpris en pleine nuit plusieurs fois et maintenant Hermione, qui a repéré son manège. Bientôt, la rousse apprendra que toute l'école avait découvert son amour pour celui que tous surnommaient "cheveux-gras", "l'homme en noir" ou "la chauve-souris". Quand ils ne disaient pas "Rogue" en donnant l'impression qu'ils allaient vomir, bien entendu.

Le sort ? Changer cela ? Oui la guerre bien entendu, mais qu'est-ce que cela vient faire là ? Il a quoi ? Lullaby regarde Hermione choquée, mais elle n'a pas encore tout à fait assimilé les propos de la demoiselle. Venin. Nagini. Rien faire... Bee tremble. Elle tremble alors qu'elle comprend, elle tremble nerveusement. Les yeux exorbités, la sorcière regarde vers le sol. La Serdaigle a attrapé ses cheveux, agrippé sa tête à deux mains, alors que les mots d'Hermione résonnent dans sa tête, elle la secoue énergiquement en signe d'opposition. Il est mort. Un hurlement se fait entendre, un hurlement douloureux. Celui de Bee évidement, dont la main vient de se porter à son cœur.

"- Non. Non Hermione. Non, non." supplie-t-elle, comme si l'on pouvait y faire quelque chose maintenant. Comme si Hermione le pouvait.

Bee, en pleine négation, se lève d'un bond, regarde Mione comme si cette dernière était folle et puis, elle se met à marcher, à tourner en rond. Parce que ce n'est pas possible. Il est maître de potion, il côtoie un serpent, il prend de l'anti-venin non ? Apparemment pas. Il est mort. Hermione n'a rien pu faire. Bee s'effondre sur le sol alors que ses jambes tremblantes ne peuvent déjà plus la porter. C'est tout son monde qui semble s'écrouler sous ses pas et elle ne réalise pas encore que le sort d'Hermione peu tout changer. Tout ce dont elle est capable de se répéter en cet instant est qu'il est mort, qu'elle ne le verra plus, qu'il ne lui donnera plus de cours. Qu'elle ne pourra jamais dire tout ce qu'elle aurait voulu lui dire.

La dernière fois qu'ils se sont vu, elle lui a dit des choses horribles, il n'a pas été tendre non plus. Mais bon dieu si elle avait su, elle les aurait dit ces mots, ces trois petits mots qui changent tout. Elle aurait libéré son cœur de ce poids, le poids du secret qui l'oppresse désormais. La respiration lui manque, elle suffoque. Il est mort. C'est fini. Il l'a sauvé et elle n'a même pas pût lui dire merci. Il est mort pour eux a dit Hermione. Bee a toujours su qu'il n'était pas l'homme si noir que le croyaient les autres. Mais cette réalité désormais la fait cruellement souffrir. Il est mort et pour elle plus rien n'existe. Un flot de souvenirs l'assaille, le rêve d'un baiser, le souvenir fugace de ses lèvres sur les siennes au pays des songes, le souvenir de sa voix, de ses sarcasmes, une odeur mentholée. Le bonheur ressenti quand il avait partagé la recette de la potion pour Vampire avec elle, alors même qu'il s'agissait de son invention. Un secret qu'elle est seule à détenir désormais. Une marque de confiance peut-être, ou la simple envie de perdurer dans le temps, par l'immortalité d'une invention. Quoiqu'il en soit, le souvenir prend de l'importance aujourd'hui d'avantage.

La serdaigle se sent mourir, elle est presque certaine d'être parvenu aux portes de l'enfer, aux portes du voile. L'ont peut mourir de chagrin n'est-ce pas ? On peut mourir quand la douleur est telle qu'elle nous broie. C'est dingue, c'est insensé, personne n'aurait pu l'imaginer, personne n'aurait pu le croire, personne n'aurait pu penser un seul instant que Rogue pouvait être à ce point aimé. Et pourtant, pourtant Lullaby a l'impression qu'on vient de lui arracher le cœur, elle-même ne l'aurait pas crû. Elle songeait souvent qu'il ne fallait pas parler parce que cela passerait. Mais ce soir l'évidence lui saute au yeux : cet amour ne passera jamais. Et il est mort, loin d'elle, sans un aveux, sans avoir su qu'ici bas quelqu'un s'inquiétait pour lui, qu'il était tout pour Bee.

Lullaby va s'effondrer. Déjà elle a du mal à respirer, elle se sent suffoquer. Oui, elle va mourir là, dans cette tour d'astronomie où lui-même a tué Dumbledore en 1997, où lui-même venait de temps à autre, porter son regard sur le parc. Et Hermione ne peut rien faire, simplement rien, pour venir en aide à la rousse qui peu à peu se laisse sombrer dans les tourments de son cœur, dans les ténèbres de son âme. Pourtant, la rouge et or ne semble pas vouloir la laisser seule, ne semble pas vouloir la laisser s'écrouler de la sorte. Et elle lui donne une lettre, que Bee regarde sans comprendre, avant de la décacheter. Reconnaissant l'écriture, la jeune femme palit davantage.

Se levant, en quête d'un peu d'intimité, la demoiselle s'avance en titubant, pour atteindre la fenêtre contre laquelle elle s'appuie, commençant sa lecture. Une fois, deux fois, trois fois. Les mots s'imprègnent dans son esprit, la torturant davantage. A la quatrième lecture elle a même l'impression d'entendre le professeur Rogue les dire. Bon dieu... Elle avait été atroce avec lui, alors qu'il ne pensait pas un mot de ce qu'il avait dit. Pourquoi ? Dans quel but avait-il menti ? La réalité de la guerre la rattrape quand son regard se pose sur la date.

Le parchemin glisse sur le sol, alors que Bee a l'impression de comprendre. Mais l'idée est trop atroce, trop insupportable. Elle se trompe forcément. "Il y a des mots qui me déchirent de l'intérieur et que j'aimerais coucher sur le papier. Devrais-je les écrire? Après tout, je ne serais plus là pour voir votre expression dégoûtée." La Serdaigle aurait dût les dire, elle aurait du parler. Soudain, Bee a l'impression que tout est sa faute. Que si elle avait dit certaines choses... il ne serait peut-être pas mort. Rattrapant le parchemin, la demoiselle le lit encore une fois. Elle est "merveilleuse", "des mots me déchirent l'intérieur", "votre expression dégoutée". Lullaby pleure davantage de ces non-dits dont elle voudrait s'assurer de les avoir bien compris. "Mes plus tendres sentiments sont pour vous." La sorcière suffoque.

"- Mio... Mione..." souffle-t-elle en quittant sa contemplation nocturne pour se tourner vers la brune. "Il... je crois... Je crois qu'il avait dit tout ça pour que... à cause de la guerre... Je ne sais pas à vrai dire. Il m'a sauvé de Dolohov tu sais. Il devait savoir que ça arriverait.... Je lui en ai... tellement voulu. J'ai cru ce qu'il a dit. Que j'étais nulle. Des mensonges..."  Une boule obstrue la gorge de la demoiselle qui  a du mal à s'exprimer. "Je crois que... c'est fou mais que... qu'il... Lis ! Lis sa lettre Mione... Dis moi ce que tu pense de ça j'ai... j'ai peur de comprendre..." demande Bee d'un air désespérée, sentant qu'un avis extérieur ne sera pas de trop, au vu de l'état dans lequel elle se trouve. Si seulement ce soir-là elle l'avait su, elle l'aurait retenu.

Les mots d'Hermione sont comme une claque tout à coup; Alors que la rouge et or devenue verte et argent hurle, Lullaby la regarde, l'air sonnée. Oui c'est vrai, elle n'a pas tord, le professeur Rogue vie encore en 1977 et si elle a sût séduire l'homme, elle devrait pouvoir séduire l'étudiant, non ? Sauf que la première fois, elle l'a fait inconsciemment, bien malgré elle et peut-être que forcer le jeu n'est pas la solution. Lullaby Est un peu perdue, posant son regard sur son amie aux cheveux bruns. Elle a l'air si stressée, si fatiguée. Ils vont mal. Ils vont tous tellement mal. Pourtant il faut se reprendre et avancer. Sortir d'une guerre n'est jamais simple mais ils doivent se relever. A en croire Mione, c'est presque simple. Séduire Rogue, l'aimer, l'épouser. Ouai, bravo. Sauf qu'il a vingt ans de plus, que le monde verra toujours le mal de cette histoire, le côté malsain. Tout le monde verra l'écart d'âge, personne ne comprendra. Bee se fiche de ce que pensent les gens, mais elle ne veut pas lui attirer d'ennuis.  Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le moment de songer à tout cela.

"- Ouai... On va se ressaisir n'est-ce pas ?" interroge la rouquine.

Mais Rogue l'aimait et elle ne l'a pas vu. Elle l'aime et n'a rien dit. Elle ne l'a pas retenu. Si elle échoue cette fois, elle n'aura pas d'autres chances, elle s'en doute. Donc la serdaigle n'a pas le droit à l'erreur et c'est stressant. Mais elle finit par regarder son amie, à lui adresser un sourire, un sourire triste, mais un sourire tout de même. Mione a l'air si contrariée, si... fatiguée, au bout du rouleau.

"- Hermione pourrais-tu... me rendre ma lettre s'il te plaît ?" questionne la jeune femme en tendant la main pour la prendre. "Allons nous coucher Mione, tu as raison, demain est un autre jour. Mais tu devrai... faire attention à toi ? Tu m'as l'air vraiment épuisée Mione, pense un peu à toi, ça te ferai du bien..." dit-elle, sans savoir le chemin que ses propos peuvent faire dans l'esprit de son amie. Sans savoir comme elle peu être prise au pied de la lettre.